Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Parc aux promenades


Parc aux promenades (1)

Le parc du Château de Sancerre, dont la délimitation a été donnée au chapitre du Château actuel est appelé communément les promenades. (2)

Il se compose actuellement des belles pelouses bien entretenues et situées entre la Porte et le château, de massifs superbes en s’étalent les fleurs et les arbustes les plus rares et d’un bosquet magnifique où se jouent les écureuils et où tous les oiseaux des environs se donnent rendez-vous attirés qu’ils sont pas les petites réservoirs plein d’eau placés par les soins de la châtelaine dans toutes les parties du parc. (3)

Une porte monumentale mais d’une architecture massive et peu gracieuse y donne accès au point de rencontre de l’Esplanade de la Porte César , de la Place (Place de la Porte César) du même nom, et du Rempart des Augustins . C’est la porte principale de la propriété. Une allée carrossable conduit de {Bonnin page : 367} cette porte qui date de 1873 jusqu’au pied de La Tour Saint Hilaire et de là remonté au formant un angle aigu jusque devant le vestibule du Château. Une petite porte qui se trouve près de la grande dont il vient d’être parlé, au nord-ouest, sert au régisseur , au concierge et aux personnes qui vont visiter le château. (4)

Une autre porte de fer, placée entre deux piliers de pierre, existe au fond de l’Esplanade de la Porte César et donne accès sur une grande allée bordée de beaux arbres conduisant à la Porte Oison . (5)

Sur le côté gauche de cette allée se trouve l’ancien Colombier des Comtes qui est contemporain du siège de 1573. Derrière ce colombier et à l’ouest si voient encore les vestiges de l’Ancienne Chapelle Sainte Catherine dont je parlerai plus loin. (6)

Une autre porte cochère qui ne sut que pour le régisseur dont l’habitation est actuellement Place du Marché aux Chevaux , ouvre sur l’Impasse Saint Denis . (7)

Enfin une petite porte existe aussi dans l’angle formé par le Chemin de la Porte César à Saint Romble et celui de Saint Romble à la Porte Oison . (8)

Une sorte de portique qu’à première vue l’on pourrait prendre pour une porte de l’ancienne enceinte, se trouve dans une petite allée sur la gauche en montant de la Porte César au nouveau château. Cette construction n’a rien d’antique. Elle a été édifiée par les soins de Monsieur de Sahuguet d’Espagnac , à la fin du siècle dernier, avec des quartiers de roches ramassés au milieu des débris environnants, mais elle fait assez bon effet. (9)

Dans le mûr qui longe le chemin de la Porte Oison on aperçoit les traces d’une ancienne porte donnant autrefois accès dans une allée qui conduisait dans la direction du nord, à l’ancien Cimetière Protestant (Place de Marché aux Cochons) et primitivement à la Chapelle ou Église de Notre Dame . (10)

En comparant le parc actuel avec l’ancienne enceinte, on est nécessairement amené à se demander comment depuis deux siècles la propriété en question a pu s’augmenter en étendue dans des proportions aussi considérables. Autant l’ancienne était restreinte autant la nouvelle est vaste. (11)

Les anciens propriétaires, Messieurs Roy , Caraillon des Tilliers, Cadet Gazincourt , et Feuillant ont, à n’en pas douter, ajouté à l’ancienne enceinte par voie d’acquisitions une foule de parcelles de terrain et construction appartenant dans le principe à des particuliers, mais ils ont aussi. Il faut le dire empiété d’une manière considérable sur le domaine communal, ce qui leur a permis d’arriver à former et à clore le parc actuel. La preuve de ce que j’avance se trouve à la Mairie (Hôtel de Ville) de Sancerre et je ne saurais mieux faire pour éclairer le lecteur sur ce point que de copier ici textuellement le procès-verbal d’une délibération des habitants de cette ville, réunis en assemblée générale et relative aux usurpation commises par Monsieur d’Espagnac , ou pour mieux dire par Monsieur His son beau père. (12)

« Aujourd’hui 25 thermidor an 6 de la République Française uni et indivisible, à cinq heures du soir. Les habitants de la commune de Sancerre réunis en assemblée générale sur la convocation faite à son de caisse les 11, 20 et 24 par le citoyen Delaguette , adjoint municipal de la dite commune, au lieu et place {Bonnin page : 368} de l’agent, à cause de son empêchement légitime, celui-ci leur a représenté qu’il avait eu connaissance que les citoyens Roy , Caraillon , et autres propriétaires de la terre de Sancerre prétendaient avoir un droit de propriété exclusif sur le terrain des promenades dit de Porte César, ce qui comprend tout l’espace depuis le lien dit Porte César jusqu’à celui dit « Porte Oison ». (13)

En conséquence qu’ils avaient cités en conciliation devant le juge de paix de cette commune le citoyen His , usufruitier d’une partie des héritages composant la terre de Sancerre à l’effet de voir dire qu’il serait tenu de réparer les dégradations commises dans les dites promenades, établir des portes qui à l’avenir seraient fermées. Que plusieurs habitants ayant eu connaissance de ces démarches qui ne tendaient à rien moins qu’à le priver de la jouissance des dites promenades sur lesquelles ils avaient un droit incontestables, en ce que les promenades avaient été établies sur une voie publique et qu’elles tenaient bien de différentes autres propriétés communales dont le citoyen d’Espagnac s’était emparé dans un temps en la force et l’autorité tenaient bien du droit, étaient intervenus et après avoir déduit leurs moyens avaient demandé au service à la conciliation jusqu’à ce que la commune instruite des prétentions injustes et mal fondées des propriétaires de la dite terre de Sancerre, ait pris un parti pour aviser aux moyens de se soustraire à la spoliation qu’on voulait commettre à son égard, pourquoi l’adjoint de la dite commune chargé de veiller à ses intérêts a convoqué la présente assemblée et demandé que les habitants réunis veuillent bien délibérer sur le parti qu’ils veulent prendre dans cette circonstance difficile. (14)

La matière mise en délibération.Il a été reconnu unanimement que le citoyen d’Espagnac , après avoir acquis en 1777 le ci-devant Comté de Sancerre, s’était emparé sur une prétendue assemblée de commune non autoriser par l’intendant d’alors et sans procès-verbal de « commodo et incommodo  » ni homologué au ci-devant parlement qui existait alors : (15)

1) d’un très grand champ de foire formant depuis la Tour de Sancerre et s’étendant jusqu’à une promenade appelée Porte César, dont les habitants étaient en possession depuis plus de deux cents ans, (16)

2) de la promenade appelée Porte César, plantés de plusieurs rangs de gros arbres, sur les Remparts de la ville, sur laquelle est construite en ce moment une terrasse dont jouit le citoyen His , beau père du citoyen d’Espagnac , (17)

3) de la corderie de la ville, étant à la suite de ladite promenade et allant presque jusqu’au colombier qui existe encore dans les dites promenades, (18)

4) de quatre chemins dont un de Charitté circulant dans les dits terrain et l’autre allant rendre au chemin de Porte Oison , (19)

5) enfin d’un terrain d’environ un arpent, appelé le cimetière des protestants comme aussi qu’il s’était emparé de propriétés particulières dont une partie n’a point {Bonnin page : 369} été payée et les autres au dessous de leur valeur, (20)

En conséquence, il a été arrêté à l’unanimité, que le citoyen Rouillé Marigny (Martigny) pour la conservation des intérêts de la commune, serait chargé : (21)

1) d’intervenir dans la contestation entre les propriétaires de la terre de Sancerre et le citoyen His , (22)

2) de prendre le fait et cause des habitants dénommés en l’acte de non conciliation fait devant le juge de paix le cinq courant, (23)

3) Demander à être maintenu dans la jouissance et propriété des dites promenades, sauf à indemniser les propriétaires des parties de terrain qu’ils justifieraient leur appartenir, (24)

A cet effet, entrer en conciliation avec avec eux s’il y a lieu, et transiger ainsi qu’il jugera convenable et faire généralement pour la conservation des droits de la commune tout ce qu’il croira utile et avantageux. Constituer défenseur officieux, le révoquer, en constituer un autre, soit à Bourges , soit ailleurs, appeler, se rendre opposant, comme aussi faire toutes les avances et débourrés nécessaires, desquels il sera remboursé ainsi que de droit par la commune. (25)

À aussi arrêté qu’avant de faire aucune démarche, le présent procès-verbal serait adressé tant à l’administration municipale qu’à celle centrale, pour être autorisé à suivre la contestation dont il s’agit. (26)

Étant, les citoyens présente signé avec nous, sauf les citoyens Jean Lesimple , dit « Malboroui », Jacques Delaporte , Jean Grossetête , Étienne Déron , Jean Meunier , Joseph Bonnet , Joseph Feuillault , Jean Biquin , Élie Boursignon , père, (27)

Suivent les signatures : Métivet , Huet , Dugenne père, Ribert , Louis Dugenne , Bernier , Hezard , Boursignon , Bongrand , Jacquet , Raimbault , Guilleault , E. Boin , Jean Semelet , Etienne Leguay , Bertin , André Neveu père, Armand Douard , Sadet , Louis Bonnet , Paul Duguay , Gaucher , Bertin , Rouillé Marigny (Martigny), Perrinet , Habert , Habert , Panseron , Perrinet , Vachier Lagrave , Lejay fils, Thesme , Lepiot , Boulay et Delaguette . (28)

Avant d’entrer dans d’autres explications, il me semble utile de compléter le procès-verbal dont il vient d’être donné copie. Et d’abord ce procès-verbal ne désigne pas dans quel endroit de la propriété se trouvait le Cimetière des Protestants, ensuite il omet d’indiquer que l’emplacement où se trouvait anciennement le vieux temple de la Porte Oison avait été usurpé en même temps que le cimetière. Je donnerai donc ici quelques détails au sujet de ces deux immeubles. (29)

Petite Histoire :Ancien cimetière des protestants

Petite Histoire :1er Temple Protestant

Petite Histoire :2ème Temple Protestant

Petite Histoire :3ème Temple Protestant

Entre l’ancien temple et la Porte Oison se trouvait une pièce de vigne désignée dans {Bonnin page : 371} des titres du siècle dernier sous le nom du Treillon , nom qui indique évidemment que cette vigne était en treille. En 1872, elle existait encore en partie, mais elle était alors cultivée dans les conditions ordinaires. (30)

Par ce qui précède, on voit qu’en l’An 6 de la République, la ville était propriétaire de la majeure partie du parc actuel mais qu’elle était menacée d’en perdre la jouissance. La procédure commencée par le Sieur Rouillé Marigny (Martigny) au nom de la commune se continua t-elle ? Je l’ignore. Toujours est-il que pendant plusieurs années encore la ville fit acte de propriétaire, le maire prit des arrêtés pour réglementer la jouissance des promenades dont les arbres et arbustes étaient mutilés par les habitants et où la morale et les bonnes mœurs recevaient de fréquents accrocs. Je veux citer ici eu de ces arrêtés qui date de l’an 8 tout pour prouver la possession de la ville à cette époque que pour donner une idée du style dans lequel étaient conçus les arrêtés de ce temps là. (31)

Petite Histoire :Ordonnance de Police pour conserver le parc du château

En l’an 11, soit par suite du procès intenté par la commune, soit par suite d’une transaction intervenue avec le Comte Roy . Ce dernier fut maintenu en possession de tout le terrain compris dans l’enceinte actuelle du Château. La ville de son côté fut maintenue dans la possession et jouissance de l’Esplanade de la Porte César , telle qu’elle existe aujourd’hui malgré la grande envie qu’avait le Comte Roy de se l’approprier comme le reste. (32)

Sans l’administration de Monsieur Poupardin , qui fut maire de 1829 à 1831, Monsieur le Comte Roy permit aux notables de la ville d’avoir une clef de la petite porte placée près de la grande porte monumentale de la Porte César, en face la maison Danjou et d’aller quand bien leur semblerait se promener dans le parc, mais cette tolérance fut de courte durée. Petit à petit on retira quelques autorisations sous un prétexte ou un autre et un beau jour on fit changer la serrure sans prévenir personne. (33)

Avant les empiétements de Monsieur d’Espagnac et par conséquent avant la construction des mûrs de clôture du parc, il existait encore un certain nombre de maisons au dessous des ruines de l’Ancien Château (Ancien Château Féodal). Ces maisons étaient ce qui restait de l’antique ville de Gordon dont j’aurai occasion de parler longuement au chapitre qui va suivre. Les traces de ces maisons se retrouvent encore à chaque pas sur la pioche des ouvriers employés à l’entretien du parc et il est facile du reste de prouver leur existence soit par le journal de Jehan de Lery , soit par les vieilles minutes de notaires , soit enfin par les états de cens et rentes dus aux Comtes de Sancerre et qui se trouvent actuellement dans les archives du château. Ainsi, à la page 58 du journal de Jehan de Lery , édité par Vermeil en 1842, on est fait mention d’une maison appartenant à un Sieur Turpin et située proche le Colombier. Dans des états de cens et rentes dus au Comte de Sancerre en 1685 et 1692, on voit qu’une vigne appartenant à Marie Chair était grévé d’une certaine redevance parce sur son emplacement il existait autrefois une maison sise hors les mûrs de la ville et joutant du midi le chemin de la Porte Oison à Saint Romble (Chemin de Saint Romble à la Porte Oison). Enfin dans un acte reçu Préponnier , notaire à Sancerre le 25 septembre 1711 contenant, partage des biens de David Mynard , syndic perpétuel de la ville, on trouve dans la description des biens partagés une maison en ruine sous le château et grange y attenant. (34)

Je pourrais rapporter un grand nombre de citation semblables, mais je pense que les trois ci-dessus suffirent. (35)

La majeure porte des maisons situées entre le Château (Château actuel) et le chemin de la Porte Oison et de la Porte César furent ainsi que la Chapelle de Sainte Catherine détruites par les anglais ou 1420. Le surplus tomba de vétuste en fut abattu par Monsieur d’Espagnac et ses successeurs.{Bonnin page : 373} (36)