Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Église et le Monastère de Saint Martin


Église et le Monastère de Saint Martin ( Présent dans ) (1)

L’Église et le Monastère de Saint Martin furent ruinés en 1561 par les huguenots de Sancerre assistés de la bande du Seigneur de Mouchy , lesquels d’après Monsieur Poupard n’y laissèrent qu’une chapelle. Les religieux furent chassés et se retirèrent d’abord à Saint Benoît sur Loire puis plus tard à Notre Dame de Bonne Nouvelle d’Orléans où ils restèrent. (2)

Dans son histoire de Sancerre, Monsieur Poupard dit qu’en 1690 la Chapelle de Saint Martin {Bonnin page : 345} existait encore avec ses cloches et que c’était là que les habitants de Sancerre tenaient leurs assemblées. L’honorable autour est dans l’erreur la plus profonde. A l’époque qu’il indique, il ne restait plus trace des bâtiments du prieuré. Quelques pans de mûrs et quelques piliers seulement indiquaient l’emplacement et l’Église dont les voûtes étaient étaient touchées depuis longtemps. Les ronces et les épines croissaient au milieu des décombres. La preuve de ce que j’avance se trouve de la manière la plus irrécusable dans un procès verbal de visite des lieux dressé le 7 mars 1657 par Monsieur Étienne Millet , bailli de Sancerre, Loup Delage et Étienne Tixier , maçons du pays de la marche , assistés de Maître Pierre Colleau fondé de pouvoir des religieux bénédictins de Saint Benoît sur Loire et de Louis Dargent , procureur de Roy près le grenier à sel de Sancerre. Monsieur Poupard ne connaissait certainement pas cette pièce qui est la propriété de Monsieur Camille Supplisson , Juge au tribunal de Sancerre et dont je donnerai copie textuelle ci-après. (3)

Au commencement de ladite année 1657, Monsieur Gourru , curé de Sancerre, ayant conçu le projet de reconstruire l’Église Saint Jean qui tombait en ruines et étant du reste trop exigu, proposa aux bénédictins de Saint Benoît sur Loire , de leur acheter les matériaux de l’Église Saint Martin , qui gisaient sur le sol depuis la destruction de l’édifice par les huguenots, c’est à dire depuis près d’un siècle, pour servir aux travaux qu’il projetait. Ceux-ci, avant d’adhérer à cette proposition décidèrent qu’une visite des lieux serait faite par eux ou un délégué pour s’assurer de la valeur de ces débris et de l’avis de Dom Victor Alliau Nicole Tixier , Prieur dudit Prieuré de Saint Martin et de Dom Nicole Vosselle , Prieur de Saint Benoît, donnèrent procurateurs à Maître Pierre Colleau , notaire et procureur à Sancerre à l’effet de les représenter lors de la descente sur les lieux par le bailli . Pour visiter toute interprétation erronée, je dois dire ici que Dom Tixier qui partait le titre de Prieur de Saint Martin de Sancerre, habitait alors la Prieuré de Saint Benoît sur Loire avec neuf autres religieux qui jouissaient avec lui du bénéfice qui était resté attaché au Prieuré de Sancerre. (4)

Ainsi que je l’ai dit plus haut, cette visite eut lieu le 7 mars 1657 et voici la copie littérale du procès verbal qui fut dressé à cette occasion : (5)

« Aujourd’hui mercredi, septième jour de mars mil six cent cinquante sept, environ l’heure de sept du matin, en notre hôtel et par devant nous Millet , bailli (6)

Est comparu : Messire Léonard Deriencourt , procureur fabricien de l’Église Notre Dame de Sancerre. (7)

Lequel nous a exposé que la dicte Église Notre Dame de Sancerre étant proprement une petite chapelle plutôt qu’une église et qui ne peut contenir la moitié des habitants catholiques de la dicte ville de Sancerre et pour le sujet et besoin de bâtir et {Bonnin page : 346} construire une église beaucoup plus spacieuse : à quoi il est impossible de parvenir si les habitants qui firent élever la dicte église ne sont pourvus des matériaux qui procèdent des combrents* qui sont en lieu appelé Saint Martin située audit Sancerre et si les habitants catholiques n’ont le pouvoir n’y la permission d’enlever les dits matériaux pour aider à la construction de la dite Église et pour ce sujet, ont, les dit habitants présenté requête aux Prieurs et Religieux qui jouissent des bénéfices du Prieuré de Saint Martin dudit Sancerre. Afin qu’il bon plaise de leur permettre de prendre des pierres et matériaux audit lieu de Saint Martin lesquels leur sont inutiles et qui journellement se perdent étant importés et plusieurs particuliers s’en servant à leurs besoin et nécessité. Lesquels Sieur Prieur et Religieux n’auraient voulu répondre à ladite requête que, au préalable, ils n’eussent connaissance de l’état auquel est réduit ledit lieu de Saint Martin. (8)

C’est pourquoi il nous a requis vouloir bien non transporter sur les lieux pour dresser procès-verbal de description dudit état aux experts et maîtres maçons qu’il nous plaira prendre d’office et ensuite le rapport. (9)

A quoi inclinant, avons pris d’office pour la visitation du dite lieux Loup Delaage et Étienne Tixier , du pays de la marche , desquels ayant pris et reçu le serment en lequel ils nous ont promis faire fidèle rapport, ce qu’ayant été fait, en la présence de Pierre Colleau , au domicile duquel les dite Prieur et Religieux ont été assignés pour assister à la descente et aussi où la présence du Procureur du Roy qu’il a semblablement fait assigner avec ledit Colleau qui a dit être fondé de pouvoirs de Dom Nicole Vosselle et des Religieux Bénédictin de l’Abbaye de Saint Benoît Fleury et de Dom Victor Alliau Nicolas Tixier , Prieur dudit Saint Martin, donnés en la missive dudit Vosselle , escripte à Saint Germain les Près le premier du présent mois et an. Et ledit Procureur du Roy assigné pour même effet et ledit procureur fabricien et experts, somme transportés au dedans du lieu appelé vulgairement Saint Martin, dans lequel sont élevées quelques masures qui font paraître qu’il y a lieu autrefois une Église, lequel lieu joute par dessous un champ appelé de Saint Martin et possédé par Maître Pierre Gréné , avocat et par le dessus la rue tendant de la Porte César à la dite Église de Notre Dame de Sancerre et en un haut le chemin qui va de la Halle à la Porte Saint André et d’autre bout le jardin dudit Gréné et autres. (10)

Et avec lesdits experts et parties, ledit lieu ayant été vu et visité d’un bout à l’autre, nous ont, les dites experts, déclaré qu’autrefois il y a eu une Église, laquelle dans le mauvais temps et par la fureur des hérétiques a été entièrement démolie et à présent ne reste que quelques pans de mûrs.{Bonnin page : 347} dont les matériaux sont à peu près gâtés par les gelées à cause qu’ils n’ont été fait que de pierre tendre et tout près, par la caducité, de toucher. (11)

Ils nous ont aussi dit qu’il y a aussi quelques piliers qui faut les marques de ladite Église, lesquels à défaut de couverture, les eaux du gel étant tombés dessus, sont, ledit piliers, pour la plupart prêts à tomber et qui l’en vu se peut servir dudit lieu qu’à mains que de faire de grands frais pour ôter quantité de pierres qui procèdent des démolitions des voûtes de ladite Église. Que le lieu est extrêmement ingrat, pour être un lieu pierreux et qu’à présent il est inégal, montueux , rempli de ronces et que n‘ayant point de cimetière dans l’enclos de ladite ville ledit lieu ne peut servir à aucun autre usage à moins que de vouloir y employer plus de soixante mille livres, pour y bâtir une Église. (12)

Ont aussi lesdits experts, dans la visitation par eux faits dit que la circonférence, il n’y a eu audit lieu qu’une Église bâtie et ne paraît audit lieu aucun hébergement ni édifice pour aucuns religieux et fallait que celui qui resservait ladite Église demeurait en autre lieu particulier. (13)

Dont et duquel rapport nous avons dressé le présent acte (14)

Et a ledit Tixier dit ni savoir signer (15)

Suivent les signatures : Loup Delage , Dargent , Colleau , Deriencourt et Millet , bailli  » (16)

Il résulte donc du document ci-dessus qu’un 1657, la chapelle n’existait plus qu’à l’état de masure. Que les quelques piliers qui restaient debout menaçaient de tomber en raison de leur état de vétusté. Que les voûtes étaient abattues depuis longtemps et qu’il n’existait plus aucune trace des bâtiments du couvent, ce qui explique pourquoi les experts ont pu dire dans leur rapport que ces bâtiments n’avaient jamais existé et que les moines devaient être logés en autre lieu. (1) (17)

(1) Il résulte d’un acte d’assortiment du 6 juillet 1703 passé devant Maître Préponnier , notaire à Sancerre, consenti par le Prieur et les Religieux de la communauté de Notre Dame de Bonne Nouvelle d’Orléans à Jean Perrinet , receveur au grenier à sel de Sancerre que les bâtiments du Prieuré de Saint Martin , se trouvaient compris entre la Place de l’Ancien Cimetière et la partie supérieure de la Place Saint Martin , c’est à dire sur l’emplacement des maisons Pivet et des jardins Fouquet et autres. (18)

L’Abbé Poupard s’est donc trompé en disant que les cloches existaient encore en 1690 et que la Chapelle servant à cette époque de lieu de de réunion aux habitants. Du reste, on verra ci-après qu’à ladite époque, l’emplacement de l’Église Saint Martin était déjà converti en cimetière et que les inhumations y avaient lieu depuis plus de deux ans. (19)

La rapport dont j’ai ci dessus donné copie, fut envoyé à Saint Benoît sur Loire , mais les Religieux qui conservaient toujours l’espoir de revenir à Sancerre, ne se hâtèrent pas d’accéder au désir du Curé Gourru . Ce ne fut qu’en 1660, lorsqu’ils eurent quitté Saint Benoît pour se rendre à Orléans , qu’ils se décidèrent à traiter avec ce dernier. Par acte reçu par Maître Guyard , notaire à Bourges , le 1eraoût 1660, en présence de Pierre Colleau , procureur à Sancerre, le père Abbé de Saint Sulpice chargé de la procuration des Bénédictins d’Orléans. {Bonnin page : 348} vendit au Curé de Sancerre les matériaux de l’Ancienne Église de Saint Martin , l’emplacement sur lequel cette église avait été édifiée ainsi que la place qui se trouvait au devant. (20)

Monsieur le Curé Gourru fit transporter ces matériaux sur la Place Saint Jean et les employa dans les fondations de l’église actuelle. Les gravois provenant de démolition et des terres apportées de la ville et du dehors servirent au nivellement de l’emplacement cédé qui fut affecté aux inhumations en 1685 sur le pastorat de Monsieur Pierre Voille , successeur immédiat du Curé Gourru . (21)

A cette époque, le cimetière de Saint Romble n’était clos que par des haies et des palissades. Les faibles ressources de la Cure de Sancerre n’ayant pu suffire jusqu’alors pour la construction d’un mûr de clôture. Des animaux carnassiers y avaient été vues à différentes reprises et des plantes avaient été portées à ce sujet tout à Monseigneur l’Archevêque de Bourges qu’à l’intendant de la province. Les catholiques de Sancerre furent menacés de voir interdire leur Cimetière de Saint Romble s’il n’était promptement close de mars. Ces menaces n’ayant amené aucun résultat, Monseigneur l’Archevêque prononça définitivement l’interdiction de ce lieu de sépulture le 27 septembre 1688 et les habitants durent faire inhumer leurs morts à Verdigny , à Saint Satur , dans la Chapelle de Chavignol et enfin dans le nouveau cimetière qui venait d’être établi sur l’emplacement du Prieuré de Saint Martin . Au bout de deux à trois ans, toutes les inhumations de la paroisse se firent en cet endroit. (22)

Le cimetière de Saint Martin (Cimetière de la Porte César) ou de la Porte César servit donc pendant près de 175 ans. J’estime que pendant cette période plein de quatorze mille personnes y furent inhumées. (23)