Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Château de l’Estang


Château de l’Estang ( Présent dans ) ( recensement 1876 ) (1)

Le Château de l’Estang , qui dépendait originairement de la ville de Gordon n’était en 1573, d’après Léry , qu’une grande maison couverte en ardoises qui appartenait alors à Madame Portier Veuve de Millecens (ou Milcent) (2)

En 1820, la maison de l’Estang était encore dans le même état. C’était un grand bâtiment d’un aspect très triste, qui occupait exactement l’emplacement du château actuel. La portion faisant face à l’est servait alors d’habitation aux maîtres du logis. L’autre portion faisant face en midi et où se trouve aujourd’hui le salon était alors habitée par les domestiques et le régisseur de la propriété. Les écuries, le pressoir (pressoir à vin) et les autres dépendances étaient au même endroit qu’aujourd’hui sur la droite du chemin vinant du bois et se dirigeant sur le jardin. (3)

Des réparations importantes faites en 1820 et particulièrement en 1858 ont complètement changé l’extérieur de cette maison. C’est maintenant un gentil manoir à un étage, admirablement pourvu de toutes les commodités et de tous les agréments. (4)

Les pièces d’habitation y sont assez nombreuses et sont garnies de tableaux et de souvenirs historiques d’une haute valeur recueillis et groupés là par Monsieur Jean Guillaume {Bonnin page : 454} Baron Hyde de Neuville , Comte de Bemposta, ancien Ministre de la Marine et des Colonies, ancien Ambassadeur de France à New York et à Lisbonne, et ancien propriétaire de l’Estang et par sa noble et vaillante épouse Madame Anne Marguerite Joséphine Henriette Rouillé de Marigny (Martigny). Les principaux sont : dans le grand salon, un portrait au pied du Baron Hyde de Neuville , vêtu de son costume du Ministre et de toutes ses croix. Celui du Général Comte de la Rüe , sénateur de l’Empire, ceux de Louis Louis XIV , Louis XVI , Henry IV , celui de Madame Marguerite Perrinet épouse de Jean Rouillé Sieur de l’Estang, le buste du Comte de Chambord (Henry V ) enfant, la statue équestre du même à l’âge de 25 à 30 ans, en bronze, de 70 à 80 centimètres de hauteur, donnée par le prince lui même au Baron Hyde de Neuville . Dans le vestibule faisant face à la grande porte, une magnifique tuile représentant Louis XVIII (plus grand que nature) revêtu de son costume et de ses attributs royaux. Deux antiques tapisseries de Beauvais restaurées avec la plus merveilleuse adresse par Madame la Vicomtesse de Barbonnet (Alexandre Camille Arthur Vicomte de Bardonnet) (5)

Dans le coin sud de la maison, proche le canal, est une petite chapelle domestique bénite le 15 octobre 1833 par Monsieur Georget , desservant de Ménétréol (Ménétréol sous Sancerre), en présence de Monsieur Renaud , alors vicaire de Sancerre, décide récemment Curé de Léré et de Monsieur Vaillant de Guélis sous-diacre. (6)

Devant la maison se trouve un parterre magnifique où sont réunies les plantes les plus rares et qui est traversé par un petit cours d’eau formé du trop plein des deux étangs actuels et qui va rafraîchir et fertiliser un grand jardin potager situé à la suite de ce parterre. (7)

En face le château se trouve un sapin entouré d’une grille en fer et planté en 1836 par Châteaubriand . (8)

Sur la gauche est la serre construite en briques et à laquelle on arrive par un escalier double au centre et au devant duquel se trouve établie une petite fontaine circulaire. (9)

Un passage pratiqué sur la droite entre les remises et un bâtiment de décharge aboutit au Chemin de Ménétréol sous Sancerre qui coupe la propriété en deux parties. De l’autre côté de ce chemin sont d’autres constructions dépendant de cette dernière commune, dans lesquelles sont le logement de jardinier et des autres gens de service . (10)

Par derrière le château est à l’ouest est une prairie séparant le château du 1erétang (surnommé le Grand Étang), laquelle prairie est bordée au nord-est par les vignes et au sud-ouest par un chemin traversant la propriété, traitant de la Croix de Pignol (Chemin de la Croix de Pignol au Château) et aboutissant entre le château et les écuries. C’est sur l’emplacement de cette prairie que se trouvait en 1573 l’unique étang qui donna son nom à la propriété et qui fut comblé vers 1800 ou 1802. (11)

Avant 1825, le jardin de la maison était lui même sur cet emplacement ainsi qu’il réveille du plan cadastral de la commune de Sancerre. Au centre du jardin se trouvait encore le colombier {Bonnin page : 455} mentionné par Léry et qui au temps du Siège s’élevait au milieu de l’étang et fut fortifié par les troupes de sa Châtre. (12)

Un ruisseau venant du Grand Étang se déverse par une Cascade faite de main d’homme dans un petit réservoir situé au dessous et entretient pendant l’été, dans cet endroit, la plus agréable fraîcheur. (13)

Près de cette cascade est un petit placier où les châtelains viennent pendant les chaleurs de l’été se reposer à l’ombre des grands chênes. Avant la mort de Madame de Neuville , la jeunesse de Sancerre y venait danser tous les dimanches à la grande satisfaction du Baron , qui souvent proposait lui même comme danseuses à quelques gros vignerons heureux mais quelque peu confus de l’honneur qui leur était fait, ses nièces alors jeunes demoiselles et qui devinrent plus tard Madame la Comtesse de Lastie Saint Jal , Madame la Vicomtesse de Barbonnet et Madame la Baronne Laurenceau . (14)

Au dessous du chemin dont j’ai déjà parlé et qui va de la Croix de Pignol (Chemin de la Croix de Pignol au Château) au Château, se trouve le petit bois de l’Estang, dans lequel sont établis une glacière et une petite chapelle sis proche les vignes dites de « Mal-Beurthées (Malberthée) » sous laquelle sont inhumés dont un caveau funéraire les membres décédés de la famille Hyde de Neuville . (15)

En se rapprochant de Pignol , on rencontre sur sa droite les deux étangs qui sont séparés l’un de l’autre par un pré dit le Pré Dugenne , dans lequel se trouve une fontaine dite « la fontaine du Pré Dugenne  », laquelle adroitement dissimulés sous l’herbe et hermétiquement fermée, fournit au château, par des tuyaux souterrains une eau superbe et très agréable. (16)

Ces deux étangs furent creusés vers 1800 ou 1802, c’est à dire à l’époque ou l’ancien fut comblé. Le plus rapproché de Pignol , désigné sous le nom de Petit Étang et qui se trouve en face la Rognée du Thou ou ravelin de la Porte Vieille , est depuis 1873, époque de macadamisage des rues de la ville, rétréci d’un tiers au moins, par suite de l’amoncellement des pierres et de la gravelle qui, par les temps d’orage, sont reculées et entraînées jusqu’au milieu de l’étang par les eaux descendant dudit ravelin . Ces deux étangs regorgent de poisson surtout de grosses et belles carpes et ils sont affermés (affermer) à des marchands de poisson (huissier royal) de Saint Thibault . (17)

De belles prairies situées entre le château et la route de Ménétréol sous Sancerre et entre la même route et le canal dépendant de la propriété ainsi que 200 à 300 journées de vigne produisant des vins recherchés et de 1ère qualité. (18)

Du temps du Baron Hyde de Neuville , la propriété de l’Estang était beaucoup plus, importante qu’aujourd’hui. Elle comprenait alors entre une quantité de terrains vendus par ses héritiers, douze cents journées de vigne presque d’un seul tenant. {Bonnin page : 456} (19)

Le Château de l’Estang appartient aujourd’hui à Monsieur Alexandre Camille Arthur Vicomte de Bardonnet , ancien Sous-Préfet de Sancerre, ancien Préfet de la Haute Saône, actuellement Président de la société de Saint Vincent de Paul de Sancerre, Membre de conseil de fabrique (Conseil de fabrique de la paroisse de Notre Dame de Sancerre) et des commissions administratives de l’Hospice (Hospice Civil) et du Bureau de Bienfaisance et à Madame Pauline Henriette Hyde de Neuville , son épouse. Il leur a été attribué par testament vers 1859 par Monsieur le Baron Hyde de Neuville , sus-nommé, leur oncle, mort sans enfants, sous certaines conditions, notamment qu’il resterait après sa mort cinquante ans au main dans la famille. (20)

Ils proviennent à Madame la Baronne Hyde de Neuville de la succession de Monsieur Étienne Jacques Rouillé de Marigny (Martigny), son père, ancien Receveur au grenier à sel de Sancerre, décédé en 1802, lequel l’avait hérité de sa sœur Anne Marguerite Rouillé Dame de Vanfroland et autres lieux, demeurant à Paris , Rue des Bons Enfants, paroisse Saint Eustache, décédée elle même en 1774. (21)

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Cette dernière l’avait recueilli dans la succession de sa mère Marguerite Perrinet épouse de Jean Rouillé Sieur de l’Estang, bourgeois de Paris , demeurant à Paris , Rue du Chevalier du Guet, paroisse Saint Germain l’Auxerrois, qui la possédait déjà en 1741. (23)

En 1727 – 1728 il appartenait au père de Madame Jean Rouillé , le Sieur David Perrinet Sieur de l’Estang. (24)

Il avait appartenu auparavant à un certain Messire Robert, Écuyer , Sieur l’Estang et à Madame Postier Veuve de Millecens déjà nommée. (25)

{Bonnin page : 457} (26)

Je ne veux pas terminer cet article sans dire deux mots de la charité de Monsieur Hyde de Neuville . De son vivant il avait établi dans les dépendances de la propriété un petit hospice de vieillards dont les dépenses étaient entièrement à sa charge. Le lundi de chaque semaine, le médecin de la maison, donnait à l’Estang des consultations gratuites à toutes les personnes qui se présentaient. Aucune infortune ne s’adressait à lui en vain. Son cœur et sa bourse étaient ouverts à tous. (27)

Ayant remarqué un jour avec quelle fatigue extrême gravissaient le Chemin de Pignol (Chemin de la Croix de Pignol au Château) les vigneronnes chargées de lessive et de sarments. Il fit établir à ses frais des bancs avec dossiers horizontaux pour permettre à ces pauvres femmes de se reposer sans être obligées de se décharger. (28)