Description de Sancerre de Léopold Bonnin : La Tour des Fiefs


La Tour des Fiefs ( Présent dans ) (1)

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La principale tour appelée la Tour des Fiefs , parce que les archives du Comté y étaient conservées et dont le sommet est encoure aujourd’hui à 336 mètres au dessus du niveau de la mer, bien qu’elle ait perdu son couronnement, est située à l’exposition du nord-ouest. (3)

C’est une énorme masse de maçonnerie revêtue de la base au sommet de pierres de taille provenant des carrières de la Nièvre et très probablement de Malveau , affectant la forme ronde du côté de la ville tandis qu’à l’aspect du levant elle présente une surface presque plane. (4)

Elle était originairement flanquée au nord d’une autre petite tourelle renfermant l’escalier qui conduisait à la plate forme et couverte en poivrière et au midi d’une construction carrée qui au dire de Monsieur Poupard contenant un deuxième escalier, mais qui, en réalité n’était que les oubliettes du château. Je reviendrai tout à l’heure à ces oubliettes . (5)

Au rez de chaussée était une pièce fermée de meurtrières du côté de la ville et à laquelle on arrivait par un couloir ouvrant sur une des cours intérieures. Un autre couloir conduisait de cette pièce au pied de l’escalier près duquel était le porte voix au conduit de 20 centimètres carrés qui correspondait à tous les étages. (6)

Deux pièces voûtées et superposées se trouvaient au dessus de celle qui vient d’être décrite. (7)

La 1ère avait une grande fenêtre à l’exposition du nord, pratiquée sans aucun doute pour surveiller la chemin de la Crêle , ancienne chaussée de Chaussée de Brunehaut , qui était la voie antique conduisant du camp de Sancerre à Genabum . (8)

La 2ème avait sa fenêtre à l’exposition de l’ouest, c’est à dire qu’elle surveillait le chemin de Bourges, l’ancienne Chaussée de César et une porte à l’est qui communiquait à une sorte de petit belvédère établi au dessus d’une galerie couverte qui se trouvait au devant de la tour, ainsi qu’on le verra ci-après. (9)

Les voûtes de la Tour des Fiefs furent abattues en 1621, après la prise de Sancerre par le Prince de Condé (Henry II de Bourbon-Condé), ainsi que l’escalier et la tourelle qui le renfermait pour ôter aux sancerrois {Bonnin page : 360} la possibilité de s’y retrancher en cas d’une nouvelle prise d’armes de leur part. (10)

Des couloirs pratiqués dans l’épaisseur des mûrs circulaient tout autour du monument, desservaient les deux étages et aboutissaient à l’escalier. Sur la plate forme était un petit tourillon couvert en tuiles et servant de corps de garde. (11)

Sous la grande pièce du rez de chaussée se trouvait un caveau auquel on arrivait par un escalier étroit et humide, ayant une vingtaine de marches. Suivant la tradition locale ce caveau était l’entrée du fameux souterrain de Jacques Cœur , qui conduisait de Sancerre à Bourges et suivant l’Abbé Poupard hors les mûrs de la ville seulement. J’ai le plus grand respect pour les traditions, mais je dois dire que celle-ci a fait fausse route en compagnie de l’honorable historien et Curé de Sancerre. Le souterrain de Jacques Cœur , si souterrain il y a jamais eu, ne se trouvait pas là, Jacques Cœur n’ayant jamais possédé le château de Sancerre. La ce qui touche l’allégation de l’Abbé Poupard , elle est tout aussi réfutable. Si ce souterrain est conduit anciennement hors la ville, les sancerrois pendant le siège de 1573 s’en fussent servir, tout pour faire sortir leurs espions que pour se procurer des aliments pendant l’affreuse disette qu’il furent forcés d’endurer, ce qui n’a pas eu lieu. Cette erreur provient tout simplement que un des coins de ce caveau se trouvait une excavation remplie de décombres et où à une époque assez reculée était un escalier qui mettait en communication par un couloir souterrain la Tour des Fiefs avec La Tour Saint Georges . Une partie de ce couloir sert actuellement de cave au nouveau château. (12)

J’ai parlé des oubliettes et j’y reviens à dessein parce que d’une part, il n’en est aucunement question dans les quelques documents qui traitent du château de Sancerre et que d’autre part les historiens de nos jours mettent en doute l’existence des oubliettes en général. C’est de mode aujourd’hui. (13)

Monsieur Poupard affirme donc que la construction carrée flanquant la Tour des Fiefs , au midi, contenant un deuxième escalier. A l’époque où il écrivait son histoire, vers 1777, il ne lui était pas possible de vérifier ce qu’il avançait puisque l’escalier en bois construite par les soins du Duc d’Uzès en 1860, n’existait pas encore. Aujourd’hui, il est facile de constater qu’il ne subsiste dans les mûrs aucune trace d’escalier. C’est un long conduit ressemblant à une énorme cheminée qui anciennement aboutissait à la plate forme sous un second tourillon aussi couvert en tuiles et à la base au sol même et à peu près à 4 à 5 mètres en contrebas de la salle du rez de chaussée. Une ouverture de 60 centimètres carrés ou environ, pratiqué au couchant et qui servait très probablement à retirer les malheureux qui avait fait la fatale culbute donnait de dehors accès dans ce réduit qui n’était éclairé par aucune fenêtre. Étant enfant j’y suis entré maintes fois en me traînant sur les genoux et j’ai eu le loisir d’examiner à mon aise le fond des oubliettes qui était littéralement encombré de grosses pierres et de quartiers touchés de la muraille lors du découronnement de la tour. Lors de la construction {Bonnin page : 361} de l’escalier actuel par le Duc d’Uzès ce conduit fut comblé jusqu’au niveau du parterre et une porte en briques fut construite pour donner accès à cet escalier, à même temps qu’une grille en fer était posée au sommet de la tour pour éviter les accidents. (14)

Au pied de la Tour des Fiefs , à l’aspect du nord-ouest est une sorte de petit cellier dont la construction ne remonte pas à plus d’une centaine d’années et qui a dû dans l’origine servir de serre au jardinier de la propriété. Il est actuellement sans emploi. (15)

Dans mon opinion la Tour des Fiefs fut construite vers 1420 ou 1430 par Jeanne Comtesse de Sancerre époux de Louis Bourbon Montpensier . (16)