Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Costumes


Costumes (1)

Le costume des classes bourgeoise et ouvrière n’a guère varié en ce qui concerne les hommes, depuis un demi siècle. La qualité des étoffes a seule changé. Le chapeau à haute forme, qui ressemble assez bien à un tuyau de poêle, est toujours en honneur dans la classe bourgeoise et la casquette ou le chapeau de feutre à feutrine chez l’ouvrier. (2)

Le vigneron qui, vers 1840, partait encore le chapeau rond à très larges bords, une daumaie ou espèce de redingote en coton bleu, plissée sur le devant, une culotte courte de même étoffe et des guêtres blanches ou Molleton ou en toile, montant au dessus des genoux, attachées par des cordonnets rouges d’un centimètre de largeur, a bien modifié son costume. Depuis qu’il est devenu riche, il porte les dimanches et fêtes le coquet chapeau de feutre, le paletot de drap noir au marron à col de velours, le pantalon et le gilet de même étoffe et des souliers fins. (3)

Les dames de la noblesse ou de la bourgeoisie sont simples dans leurs manières et dans leur mise. Les femmes d’ouvriers, les commerçants et les vigneronnes au contraire, sont coquettes à l’excès et partent des toilettes tapageuses, extravagantes et très coûteuses. Ces dernières surtout sont bien loin de ressembler à leurs aïeules qui, naguère encore partaient le vieux bonnet Sancerrois imitant assez lieu une mitre d’évêque, une capiche ou petit caban de droguet blanc à manches n’arrivant qu’aux coudes et des mitaines blanches recouvrant l’avant bras et la main et qui ne portaient des souliers que le jour de leurs noces. Ces changements ainsi que le goût prononcé des ouvrières et des vigneronnes pour la toilette, expliquent facilement la gêne des familles ouvrières et la répugnance qu’éprouvent les filles de vignerons à rester dans la conditions de leurs parents. (4)

Actuellement, elles ne vont plus aux vignes et épousent des ouvriers. Les garçons qui veulent continuer à travailler la terre, sont obligés de s’unir à {Bonnin page : 14} des domestiques ou à des filles de la campagne. Un tel état de classe ne manquera pas d’amener avant peu un changement considérable dans la classe vigneronne et même dans le commerce des vins du Sancerrois. Les vignes passeraient pas le mariage de vigneronnes et d’ouvriers dans des mains qui ne les cultivent plus elle mêmes. Elles seront vendues aux jeunes gens qui auraient la sagesse de ses vignerons lesquels n’ayant que tout juste le temps de travailler pour leur compte personnel ne feront plus les vignes des propriétaires qui seront obligés de les détruire et à les convertir en champs. (5)

Je signalerai aussi une particularité très concernant les femmes protestantes. Elles sont généralement parfaitement élevées, bien plus instruites que les femmes catholiques, mais elles sont conservés dans l’expression du visage et dans le maintien quelque chose du huguenotes du 16 siècle. Elles sont toutes à l’exception, l’œil dur, la bouche pincée et dédaigneuse et la tournure d’une raideur qu’on ne trouve que chez elles; elles sont reconnaissables aussi à leur langage mielleux, doucereux, qui fait la plus drôle de contraste avec leur tournure et l’expression de leur visage. Elles citent à tout propos des passages de l’écriture sainte et lorsqu’elles s’adressent à des catholiques appartenant à la classe inférieure de la société, elles ne manquent jamais de leur faire sentir l’avantage qu’il aurait pour eux, d’appartenir au culte réformé où l’on ne paye rien, ni chaises au temple, ni baptêmes, ni mariages, ni enterrements, etc, etc, omettant bien entendu d’énumérer les dons en nature tels que paniers de vins fins, fruits rares, coupons d’étoffes, etc. etc.. dont les protestants gratifient leurs pasteurs quand ils ont besoin de son ministère ou bieu à l’occasion de sa fête, du premier de l’an ou du mariage d’un de ses enfants. (6)

Le conseil presbytéral de Sancerre alloue à ses pasteurs un supplément de traitement de 200 francs pour chaque enfant. Monsieur Clavel , pasteur actuel, ayant eu cinq enfants, à vu aussi son traitement s’augmenter de mille francs. (7)

Les protestants sont presque tous commerçants et ils se soutiennent admirablement les uns, les autres. On peut être certains qu’ils n’iraient chez un marchand catholique qui s’ils ne trouvent pas chez leurs coreligionnaires les objets qu’ils désirent. Si les catholiques, qui sont le nombre, en faisaient entre les marchands appartenant au culte réformé pourraient fermer boutique. (8)