Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Création de la paroisse de Chavignol


Création de la paroisse de Chavignol ( Présent dans )(1)

J’arrive tout naturellement ici à indiquer comment et par quel concours de circonstance le village de Chavignol fut détaché de la paroisse de Sancerre, l’Ancienne Chapelle fut aliénée et le service divin transféré dans l’église actuelle. (2)

Vers le 1erjanvier 1857, vivait à Chavignol un nommé Jean Delaporte dit « Porto », bon vigneron , qui avait été longtemps conseiller municipal de la commune de Sancerre et qui venait d’échouer aux élections du 3 mai 1856. C’était un très excellent homme sous {Bonnin page : 474} tous les rapports, dévoué de toute espèce d’instruction, ne sachant pas même signer son nom, mais doué d’une intelligence et d’un bon sens naturel peu communs, et en même temps possédé d’une ambition démesurée. Blessé de ne pouvoir plus contribuer à la direction des affaires communales, il conçut le projet de détacher Chavignol de Sancerre espérant s’il réussissait ressaisir la part de pouvoir qu’il avait perdue, peut-être même être nommé Maire de la nouvelle commune. J’ai omis de dire qu’avec ses qualités que j’ai énumérées il était d’une activité et d’une ténacité sans égales. (3)

Il se mit donc à l’œuvre. Il vit le Préfet, le Sous-Préfet , Monsieur de Roynal avocat général à la cour de cassation qui était ancien propriétaire de sa maison. Messieurs Gay d’Aubilly , la famille du Baron Sallé de chaux , de Bourges, les Chenu de Villeneuve , de Saint Jean de Braye près Orléans et toutes les personnes ayant ou ayant eu du bien à Chavignol et pouvant soit par elles mêmes soit par leurs amis, l’aider dans l’œuvre qu’il avait entreprise. (4)

Dès le début, il s’aperçut que la séparation au point de vue civil était une grosse affaire qui vu réussirait probablement pas et dans laquelle le village perdrait plus qu’il ne gagnerait. Il changea ses batteries et se borna à demander que Chavignol fut érigé en paroisse distincte. Monseigneur l’Archevêque de Bourges et Monsieur Pény, Curé de Sancerre ayant émis un avis favorable à ce dernier projet (ce dernier en raison de l’insuffisance de l’Église de Sancerre et des nombreux refus opposés par le conseil municipal de Sancerre à toutes ses demandes d’agrandissement. Le Sieur Jean Delaporte réunit chez lui les notables de Chavignol et leur exposa ses projets ainsi que l’espérance qu’il avait de les voir aboutir. Il leur fit sentir notamment leur éloignement de l’église paroissiale de Sancerre et par conséquent les difficultés pour les vieillard de se rendre à l’office divin, les fatigues de toutes sortes qu’ils éprouvaient pour transporter à la ville les rentes de leurs défunts, etc, etc. Toutes ces raisons qui étaient du reste excellentes firent impression sur ses auditeurs qui convinrent d’un commun accord de le soutenir de leurs conseils et de leur argent. Les voyant en aussi bonnes dispositions il mit aussitôt sur le tapis la question des voies et moyens. (5)

Il proposa l’acquisition par le village de la propriété de Monsieur Étienne Triboudet de Mainebray sise à l’extrémité nord-ouest du village, sur le Chemin de Graveron , pour l’établissement de l’Église et d’un presbytère et d’un terrain sis de l’autre côté du chemin, en face les bâtiments, au lieu dit les Fernats , pour servir de cimetière. Cette proposition souleva quelques objection. Le Sieur Étienne Thomas dit « Boulot » (actuellement adjoint de la commune de Sancerre) tout en approuvant pleinement et entièrement l’idée de la séparation sous le rapport spirituel de Chavignol d’avec Sancerre, demande que l’Ancienne Chapelle fut restaurée, agrandie même si son insuffisance était prouvé et que le presbytère fut placé dans les bâtiments situés au nord de la Chapelle et qui appartenaient alors à la famille Gay d’Aubilly . {Bonnin page : 475} que cette combinaison aurait pour avantage de conserver au culte un édifice que les habitants du village et leurs ancêtres avaient toujours vu et auquel se rattachaient tout de souvenirs, qu’il était tout à fait au centre du village sur une place et parfaitement accessible pour les vieillards, que les bâtiments proposés étaient au contraire à l’extrémité de Chavignol , dans l’endroit le plus rapide de la côte et que par conséquent les personnes âgés ou infirmes y arriveraient difficilement. (6)

Ces objections pleines de bon sens et parfaitement justifiées ne furent pas admises par le Sieur Delaporte , présentées qu’elles étaient par son successeur au conseil municipal. Ce dernier se retira en protestant et l’assemblée s’inspirant des idées de son président, décida l’acquisition des immeubles Triboudet . (7)

Pour que la section de commune soit autorisée à acquérir, il fallait passer par une foule de formalités très longues et surtout avoir un avis favorable du conseil municipal de Sancerre, chose difficile ou s’y prêt d’une manière plus expéditive. (8)

Suivant un acte reçu par Maître Louis Napoléon Quillier (Napoléon Quillier-Decencière), notaire à Sancerre le 10 mai 1857, les Sieurs Jean Delaporte , Joseph Millon , Charles Moreux , Étienne Maréchal , Jacques Boulay , Pierre Boulay , Étienne Martin , Louis Delaporte , Pierre Maréchal Péron , Étienne Boin Colique , François Thomas , Jacques Pinon , Pierre Thomas Grenadier , Jean Pinon , Jean Salmon , Louis Bailly , Joseph Denizot , Benjamin Millon , Jean Denizot , Étienne Jean Baptiste Millon , Étienne Pouillot et Jacques Delaporte firent en leurs noms personnels l’acquisition moyennant Dix mille francs, des immeubles Triboudet et par le même acte en faisant donation au village de Chavignol , à la charge d’y établir la nouvelle église, le presbytère et le cimetière. (9)

Une demande au gouvernement à l’effet d’obtenir l’érection de village en paroisse fut présentée le 10 juillet 1857. Cette demande fut soumise au conseil municipal de Sancerre et par une délibération du 24 novembre suivant, longuement motivé, cette assemblée émit comme il était facile de le prévoir un avis défavorable au projet. (10)

La marche de cette affaire ne fut pas arrêtée pour cela. Un décret Impérial du 5 février 1859 érigea en succursale la Chapelle de Chavignol . (11)

Le dossier augmenté de ce décret revint les 9 juin et 16 novembre 1859, devant le conseil municipal pour obtenir de cette assemblée son consentement à ce que le cimetière de la section fut établi au lieu dit Fernats , proche les bâtiments Triboudet et l’acceptation de la donation faite au village par les acquéreurs de ces immeubles. Persistant dans sa délibération précédente, le conseil répondit par un fin de non recevoir. Par deux arrêtés, des 27 et 28 avril suivant, le Préfet du Cher improuva les deux délibérations ci-dessus.{Bonnin page : 476} et autorisa le Mairie Monsieur Bonnet à accepter seul la libéralité faite au village comme représentant les habitants de cette section de commune, ce qui fut fait. (12)

Le 22 mai 1860, un arrêté préfectoral autorisa les inhumations dans le cimetière sis en lieu de Fernats et le 27 août 1861 le service divin fut transféré de l’Ancienne Chapelle dans la nouvelle Église. (13)

Le 21 avril 1863, le village fut autorisé à vendre l’Ancienne Chapelle qui fut acquise par les Sieurs Étienne Thomas dit « Boulot » et François Vatan dit « la Grive », tous deux vignerons et conseillers municipaux et qui fut comme au l’a vue plus haut convertie en grange et en boulangerie . Il est à regretter que le Conseil de fabrique (Conseil de fabrique de la paroisse de Chavignol) de Chavignol n’est pas fait procéder à l’exhumation ds ossement se trouvant sous cet immeuble, avant de le mettre en vente. Ces ossements auraient pu être portés dans le cimetière de la section. (14)

Voici comment Chavignol a été séparé de Sancerre sous le rapport du culte. Pour en arriver au point où ils en sont aujourd’hui, les habitants de ce village se sont imposés des sacrifices énormes et sans cesse renouvelés. Car tout était à faire l’église devant être établie dans une grange dont on ne conservait que les quatre murs. Disons aussi qu’ils ont obtenu de la libéralité de personnes bienfaisantes et gouvernement des sommes importantes grâce à l’activité et aux démarches nombreuses de leurs deux premiers curés Messieurs Lelot et Rousselot . Ce dernier surtout qui y a déjà dépensé tout son patrimoine a fait avec l’argent qu’il a su attirer du dehors de l’Église de Chavignol l’une de plus charmantes des environs. (15)