Description de Sancerre de Léopold Bonnin : La halle


La halle ( Présent dans )(1)

La halle de Sancerre est un grand bâtiment couvert en tuiles, de l’aspect le plus disgracieux, ayant quarante mètres de longueur sur dix sept de largeur. Quatre grands châssis établis sur la toiture éclairent l’intérieur. Deux grandes portes et six petites y donnent accès, savoir : du midi une grande porte surmontée d’un œil de bœuf dans lequel est la sonnette marquant l’heure de l’ouverture et de la fermeture du marché. Une petite porte de chaque côté. Même disposition au nord. Une petite porte au couchant à peu près au milieu du bâtiment, à laquelle fait face une autre porte de même dimension au levant. (2)

{Bonnin page : 320} (3)

L’intérieur est divisé en trois allées où sont exposés les marchandises. Dans la plus grande celle du milieu, sont déposés les jours de foires et marchés les grains et graines, les légumes secs et le son. Dans celle du levant sont exposés la rouennerie et la mercerie . La 3ème, au couchant, est occupée dans la partie comprise entre la place du midi et la petite porte se trouvant au milieu du bâtiment par les toiles et cotons. Le surplus comprend le bureau de police , la geôle municipale ou violon, le grenier de la halle et le dépôt des pompes à incendie . (4)

Pendant la durée de la foire du Beau Marché , l’allée principale et celle du levant sont occupées par les marchands étrangers qui étalent leurs marchandises sur des bancs fournies par le fermier de la halle. (5)

Avant 1456, les marchés étaient établis sur la Place de la Paneterie et ce ne fut qu’après la construction du bâtiment de la Boucherie par le Comte de Sancerre , Jean IV Sire de Beuil (Jean IV de Bueil), peu avant le siège de Sancerre, qui la majeure partie du marché fut transportés à la hall. Le blé, le pain et le poisson restèrent seuls à la Place de la Paneterie jusqu’en 1621, époque à laquelle ils commencèrent a être vendus à la hall. (6)

La halle fut construite en la dite année 1456 par le même Jean IV Sire de Bueil , Comte de Sancerre, au milieu de la place publique et depuis, les différents Seigneurs qui se sont succédés dans la propriété de la terre de Sancerre y firent percevoir les droits de plaçage et étalage sur les diverses marchandises exposées en vente jusqu’en 1790 époque à laquelle les droits de cette nature furent supprimés par la loi du 25 – 28 mai même année, en conservant néanmoins la propriété des halles à ceux qui les avaient construites. (7)

Monsieur Jean Frédéric Guillaume de Sahuguet Demazy (Charles Antoine Léonard de Sehuguet d’Amarzit d’Espagnac), Baron d’Espagnac, s’étant rendu acquéreur de la terre de Sancerre en 1786, la revendit le 14 floréal an 3, par acte passé devant Maître Charpentier , notaire à Paris à Messieurs Xavier Caraillon des Tilliers, Charles Louis Cadet Gazincourt , Louis Feuillant et Antoine Roy . Ce dernier, bisaïeul de Mademoiselle d’Uzès propriétaire actuelle, en étant devenu plus tard seul possesseur, revendit la Halle de Sancerre qui dépendait de ci-devant Comté au Sieurs Habert , Delante et autres par acte reçu Maître Meunier , notaire à Sancerre le 25 ventôse an 4. Les nouveaux acquéreurs perçurent dès lors à leur profit tous les droits de plaçage et étalage. (8)

Mais un arrêté de Monsieur le Baron Didelot , Préfet du Cher, du 11 mars 1813, déclare arrêtée la perception des droits au profit des propriétaires des anciennes halles et l’autorise au profit de la ville. Jusqu’au 10 septembre de la même année, il ne fut tenu aucun compte de cet arrêté, mais à cette époque, vint en tournée à Sancerre le Préfet Baron Didelot . Il visita les édifices publics et il s’informa en voyant la halle s’il avait été donné suite à son arrêté et sur la réponse négative du maire, qui était alors Monsieur Pierre Meunier (le même qui avait passé en qualité de notaire l’acte de vente à Messieurs Delante , Habert et autres) Il l’enjoignent de s’occuper sans retard de cette affaire qui traîne pourtant encore jusqu’au 25 février suivant, jour auquel l’arrêté préfectoral fut notifié administrativement aux propriétaires de la halle qui {Bonnin page : 321} refusèrent catégoriquement de s’y conformer. (9)

Devant ce refus, Monsieur le maire Meunier fait le lendemain 26 un arrêté partant défense aux propriétaires de recevoir les fermages et injonction aux Sieurs Ricard , Germain Huet et autres fermiers de la halle de verser le produit de leur perception dans la caisse communale. (10)

En présence de cette décision et pour ne pas entrer en procès avec la ville dont ils étaient du reste des plus notables et des plus honorables habitants, les propriétaires de la halle firent au maire l’offre d’abandonner cet immeuble à la ville moyennant dix mille francs. Monsieur le Maire rendit immédiatement compte à l’autorité supérieure de ce qui venait de se passer et des offres qui lui étaient faites. (11)

Les événements politiques qui survinrent à cette époque firent ajourner la solution de cette affaire. Le maire fut changé et son successeur Monsieur Triboudet laisse les propriétaires percevoir encore à leur profil les droits de plaçage jusqu’en 1822. Mais à cette époque, Monsieur Meunier étant redevenu maire, reprit l’affaire qu’il avait laissée sans solution en 1814 et le 16 mai 1822, il menaça Messieurs Delante , Habert et autres de leur intenter un procès. Il reconnaissait le droit des sus nommés à la propriété de l’immeuble, mais il soutenait que le sol sur lequel la halle était construite était la propriété de la ville. Des pourparlers s’engagèrent et les quo-intéressés Delante , Habert et autres qui n’avaient nullement envie de plaider, consentirent à réduire leurs prétentions de 1814 et en définitive à vendre la halle à la ville pour sept mille cinq cents francs. Ce chiffre fut accepté par le conseil municipal et la ville fut autorisé à faire l’acquisition par ordonnance royale du 6 août 1823. (12)

Enfin par acte reçu Maître Clérault , notaire à Sancerre le 27 septembre même année Gabriel Habert , marchand et Louise Raimbault , son épouse, Vincent Boyron , boulanger et Catherine Fossé , son épouse, Françoise Frémy Veuve de Louis Lejay , marchand , Jean Baptiste Lejay , son épouse, François Lejay , bourrelier et Suzanne Lejay , son épouse, André Habert , aubergiste et Victoire Lejay , ses épouses, Michel Delante , marchand et Marie Anne Boulay , son épouse, Bazile Desmarquais , bourrelier et Marie Françoise Fournier , son épouse, tous de la ville de Sancerre et Louis Edme Desmarquis Le Breton , négociant , demeurant à Baugé (Maine et Loire) vendirent à la ville l’ancienne Halle, moyennant la somme de sept mille cinq cents francs outre les frais qui s’élèvent à 596 francs. (13)

Depuis ce temps, aucun changement n’a été apporté dans les dispositions intérieures du bâtiment, si ce n’est l’installation du dépôt des pompes (dépôt des pompes à incendie) et l’établissement de la geôle municipale dont l’emplacement a été pris sur celui réservé anciennement au grenier de la halle. La portion de ce grenier qui reste actuellement à la disposition du fermier suffit à ses besoins. (14)

En dehors de l’usage auquel elle est ordinairement affectée, la halle set aussi quelquefois lorsque le temps est mauvais, de lieu de réunion pour la fête du comice agricole, pour les {Bonnin page : 322} réunions électorales qui toujours très nombreuses et très bruyantes ne peuvent se tenir à l’Hôtel de Ville . (15)

Le 9 juin 1699, Monseigneur Léon Potier de Gesves (Léon Potier de Gesvres), Cardinal , Archevêque de Bourges , se trouvant en tournée pastorale dans le Sancerrois, administra le sacrement de confirmation sur la halle, en raison de l’exiguïté de l’ancienne église paroissiale de Saint Jean , à plus de quatre cents personnes de la paroisse de Sancerre. Le lendemain 10 juin, dix paroisses des environs se rendirent à la ville, en procession, également pour y recevoir la confirmation qui leur fut administrée sous la halle. (16)

De 1725 à 1762, c’est à dire depuis la démolition de l’ancienne Église Saint Jean jusqu’à la reconstruction de la nouvelle, les prédication de l’avent et du carême se furent sous la halle, la Chapelle des Religieuses de la Miséricorde n’étant pas suffisante pour le nombre des fidèles qui suivaient les exercices. (17)

Depuis quelques années on parle beaucoup de transférer la halle sur un autre endroit de la ville, notamment sur l’emplacement de l’ancien cimetière de Saint Martin (Cimetière de la Porte César) , mais tout porte à croire qui l’administration municipale recula devant les réclamations des habitants du quartier de la Halle et la dépense que cette translation pourrait entraîner et qui nos arrières petits enfants verront encore le vieux monument construit il y a près de cinq siècles par Jean IV Sire de Beuil (Jean IV de Bueil). (18)