Description de Sancerre de Léopold Bonnin : En 1848, l’orme et le reposoir amena la démission du maire


En 1848, l’orme et le reposoir amena la démission du maire ( Présent dans )(1)

L’orme et le Reposoir furent en 1848, la cause d’un incident qui amena la démission du maire d’alors. La ville de Sancerre était administrée dans la 1ere partie de l’année 1848 par Monsieur Jean Claude L’Éveillé . Ce magistrat municipal était protestant et de plus un des plus zélés buveurs de vin blanc de « l’Hôtel de l’Écu » (Hôtel de l’Écu), alors tenu par le Sieur Pierre Habert , également protestant. Tous les soirs, une société composée de rentiers de la même religion et de catholiques sinon hostiles à labeur du moins fait indifférents, se réunissait dans une des salles de l’établissement et discutait les affaires de la ville en fumant et bavant. Quelques années auparavant (en 1844 ou 1845), le ministre protestant qui était alors Monsieur Cazalis , l’être le plus intolérant si je dirai même le plus insolemment provocateur qu’il soit possible de trouver, avait traversé à cheval la procession de la Fête Dieu (Mardi Gras) qui parcourait la ville et cause un tumulte et un désordre très grands. Ce fait n’avait pas été réprimé, le maire L’Éveillé n’étant le coreligionnaire et l’autre du ministre Cazalis , l’affaire avait été assoupie par ses soins. L’approche des Fêtes Dieu de 1848 devint un certain soir l’occasion de parler des escapades du Citoyen Cazalis . Le Maire L’Éveillé déclare devant ses camarades de bouteille qu’il pourrait bien se faire qu’un jour ou l’autre, il en vient à interdire la procession dans la Rue Basse des Remparts ou tout au moins à empêcher les habitants de dresser leur Reposoir sous l’orme. Un des assistants, Monsieur Jacques Dion , qui était aussi un des habitués du vin blanc de « l’Écu » et qui ft maire un peu plus tard, lui fit observer que c’était une grave affaire qu’il serait peut être imprudent de {Bonnin page : 164} sauter. Monsieur L’Éveillé (Léveillé) persistant dans ses dires, on en vint à lui proposer le paris qu’il ne mettrait pas son projet à exécution. Il accepta. Quelques jours après, le dimanche de la grande Fête Dieu (Mardi Gras) arriva. C’était le 25 juin 1848. Vers 8 à 9 heures du matin, au moment où les habitants du quartier étaient en voie de construire leur Reposoir . Un ordre leur fut signifié de la part du maire d’avoir à cesser tout travail, attendu que le stationnement de la procession à cet endroit et les chants du culte catholique pouvaient troubler l’exercice du culte protestant dont le temple était tout prés. Les motifs donnés par le maire L’Éveillé (Léveillé) étaient tout simplement stupides, le temple étant éloigné de l’Orme de 150 mètres au moins et les chants ne pouvaient avec quoique ce soit troubler à cette distance l’exercice du culte réformé. (2)

Quoiqu’il en soit, tout absurdes de l’ordre qui reçoit de leur être signifié, les habitants du quartier arrêtèrent leurs préparatifs et la procession passe sans s’arrêter sous l’Orme. (3)

Mais pendant le grand messe, des groupes s’étaient formés, on avait d’abord discuté assez paisiblement l’arrêté municipal, puis la discussion s’échauffant, les têtes s’échauffèrent aussi et en fin de compte, vers midi ou une heure. C’est à dire vers l’époque de la rentrée de la procession. Ces différents groupes se réunirent et sur l’avis d’un orateur de la Porte Vieille , ils se mirent en route pour demander au maire des explications et obtenir l’assurance que pareille chose ne se reproduirait pas l’année suivante. Près du Clocher , ils rencontrèrent les habitants de Chavignol et d’Amigny , qui sortaient de l’église. Ceux-ci, qui étaient très hostiles au maire se joignirent aux autres et se rendirent avec eux à la maison de Monsieur L’Éveillé , qui est cette grande maison qui fait le coin de la Rue Fangeuse et de la Rue des Trois Barbots , à gauche en descendant cette dernière rue. De l’Église à cette maison le trajet n’est pas long. Cependant pendant le temps que les manifestants mirent à le parcourir leurs intentions se modifièrent. En arrivant devant la maison qui fut barricadée à son approche, ils demandèrent carrément et à haute voix la démission du maire. Il y avait bien là, au commencement 200 à 300 personnes. Au bout de dix minutes toute la ville y était. Notre maire était là, bien penaud et regrettant part la qu’il avait fait. Les cris, les vociférations, les demandes de démission se faisant entendre de plus fort en plus fort, il ouvrit une fenêtre et tendit à la foule un drapeau qu’il avait dans sa chambre et qui appartenait à la ville. Ce n’était pas là le compte de la foule. Elle continua à réclamer sa démission. Il se décida enfin à jeter son écharpe par la fenêtre. Le rassemblement se dissipa alors et le maire adressa immédiatement à la Sous-Préfecture sa démission écrite qui fut acceptée par le gouvernement. (4)