Description de Sancerre de Léopold Bonnin : Miracle du Saint Vinage en 1050


Miracle du Saint Vinage en 1050 ( Présent dans )(1)

J’ai avancé dans les pages précédentes qu’en 1050, Gordon était une ville populeuse et très importante. Ceci résulte du livre des miracles de Saint Benoît écrit vers la même époque par le moine Bénédictin (Religieux Bénédictins de Saint Martin) Raoul Tortaire . Ce religieux nous apprend qu’une chaleur des plus intenses s’étant fait sentir alors sur toute la Gaule, les habitants de Gordon en Berry eurent particulièrement à en souffrir. Les fleuves, rivières et fontaines s’étant desséchés, les habitants n’eurent plus d’eau pour se désaltérer et la peste se déclarant dans cette grande cité, emporta la majeure partie de la population. Ce fléau terrible ne cessa que par un miracle, connu sous le nom de Miracle du Saint Vinage {E001}, dû à l’intercession de Saint Benoît et de Saint Maur dont les reliques avaient été apportées de Fleury sur Loire . (2)

Les lignes ci-dessus ne sont qu’une analyse très incomplète du récit du moine Bénédictin (Religieux Bénédictins de Saint Martin) dont je vais donner copie ci-après. Mon lecteur trouvera, j’en ai la certitude, le plus grand plaisir à connaître ce récit traduit du latin par Monsieur TH. De Brimont et donnant les détails les plus intéressants sur un évènement très peu connu dans notre pays et il y trouvera la preuve certaine, irréfutable, que la ville de Gordon n’était ni le Sancerre actuel, ni Saint Satur , mais bien l’emplacement que j’indique : (3)

« Miracle de Saint Vinage à Château Gordon (4)

Raoul Tortaire XI siècle Live VIII – XXI (5)

Peu de temps après, le même fléau pestilentiel se répandit sur les habitants du château que l’on nomme Gordon , situé dans le Berry. (6)

Cette même année, le soleil dardant sans interruption ses rayons les plus brûlants, toute la Gaule se dessécha, de telle sorte que les fontaines qui jusques là n’avaient cessé de couler pendant tout l’été, taries complètement, ne purent laisser les hommes s’y désaltérer comme autrefois. La terre fondue de toutes parts ouvre partout ses gouffres béants, plus profonds que jamais. Les fleuves les plus larges qui entraînaient jusqu’alors sur leurs eaux, comme la mer elle même, les navires et leur charge, desséchés entre leurs rives, ne peuvent plus porter de barques et se laissent franchir à pied sec par un enfant de douze ans. Et que dirais-je de ces plaines calcinées ? Lorsque l’été renaît, elle se parent d’une éclatante verdure sous les mille herbes qui leur donnent la teinte de l’émeraude, mais alors brûlées par les feux du jour, elle semblent n’avoir jamais ressenti de fraîcheur. (7)

Or, au milieu de toutes ces calamités inconnues à notre temps, la contagion et la mort régnaient enmaîtresses absolues et là, chaque jour, elles faisaient parmi les hommes d’épouvantables ravages. C’était principalement sur les habitants de Château Gordon que sévissait le fléau.Tandis que les autres châtiments s’étendaient sur la Gaule presque toute entière, l’image seule de la mort apparaît dans ce château.{Bonnin page : 396} tout y est plein de larmes, d’angoisses et de douleurs. Plus de rires, plus de joie dans les cœurs, plus d’allégresse sur les fronts, tous d’allégresse sur les fronts, tous restent immobiles, les yeux fixés au sol. L’on n’y entend plus, ni les voix de ceux qui dansent, ni les claires chansons des femmes qui conduisant les chœurs . Plus de peuple se pressant sur les places publiques et, chose étonnante, dans une ville si populeuse, c’est à peine si l’on voit quelques personnes rassemblées, tellement la mort a rempli de crainte tous les cœurs. La grâce des femmes, la folâtre gaîté des enfants, la fougue de la jeunesse, tout a disparu et la diversité des vêtements a fait place aux habits de deuil. (8)

Et ce n’est que juste, car il y a peu de maisons qui ne renferment un cadavre. Cet homme que vous entreteniez à l’instant de quelque affaire, peu d’heures après il n’est plus ! Lorsqu’un des nôtres vient à succomber, nous allons chercher des porteurs pour lui procurer la sépulture, mais là, avant de savoir quels morts ils y déposeront ces hommes avaient creusé des fosses immenses, bien assurés de ne pouvoir être frustrés du salaire de leur travail. Pressés par tous ces maux et par de plus grands encore, les habitants se ressouvinrent enfin que grâce aux mérites du bienheureux martyr Saint Maur et de Saint Benoît , notre père, le Tout-Puissant avait les années précédentes, délivré Fleury de cet horrible fléau. Prenant donc conseil entre eux, ils décident d’envoyer au monastère des hommes sages et prudents, Ils y porteraient aux Frères les supplications de tout le peuple, afin que les serviteurs de Dieu se hâtant de secourir cette multitude qui périt toute entière et leur envoient le corps du bienheureux martyr et les ossement de leur père. (9)

Les envoyés arrivant à Fleury , mais lorsqu’ils eurent exposé l’objet de leur mission, il parut bien sur aux religieux de laisser sortir de leur monastère le glorieux martyr et d’en rester séparés, même par un court espace, eux qui après leur bienheureux père, avaient mis en lui toute leur confiance. Après une plus sage réflexion, il leur parut cependant plus cruel encore, de laisser périr si grande multitude, surtout après l’amour qu’elle montrait pour Saint Benoît , alors qu’ils avaient la certitude de pouvoir lui porte promptement secours, ce dont la foi de ce peuple ne doutait pas. Plusieurs religieux soulevèrent donc sur leurs épaules l’illustre martyr et les restes sacrés de notre bienheureux père et entourés d’une grande affluence de clercs et de laïques, comme il convenait à un si glorieux témoin du Christ, le parviennent au but de leur voyage. (10)

Au bruit de leur arrivée les habitants du château Gordon qu’ils viennent visiter, hommes et femmes de tout âge, se précipitent à leur rencontre, les vieillards tout décrépits par les ans, appuyant sur un bâton leurs membres courbés vers la terre et les petits enfants que leur âge rend plus expansifs, tous supplient à grands cris qu’ils se hâtent de les {Bonnin page : 397} secourir. Et au effet, un immense bonheur débordait de tous ces cœurs, ce qu’ils avaient désiré de toute l’ardeur de leur amour. Ils le voyaient les restes du bienheureuse Maur étaient sous leurs yeux. Ils étaient déjà assurés d’être sauvés par celui qu’ils avaient entendu proclamer si puissant près du Seigneur . Les chamoises de Saint Satur accourant pleins de joies,ils arrivent vêtus de leurs vêtements blancs que recouvrant des chapes de soie, précédés des croix et des flambeaux et des encensoirs d’où s’échoppent des nuages de parfum. Le bienheureux martyr est conduit au milieu de cet immense concours de peuple sur les hauteurs de la forteresse qui, comme le rapportent ceux qui connaissant l’endroit est situé sur le sommet d’une colline escarpée. Les chasses déposées sur une place de la cité, de toutes parts on apporte du vin, soit dans des amphores, soit dans tout vase qui puisse en contenir, puis on le répand sur elles, afin qu’après avoir baigné le reliquaire qui contient les restes du martyr tous puissant boire comme d’un médicament de ce breuvage préparé en quelque sorte, des ossements mêmes du bienheureux. L’on n’eut pas voir alors sans étonnement toute cette foule, sans distinction de sexe et d’âge, accourir partant des coupes, des flacons, des seaux, des vases de toute façon pour emporter de ce breuvage. (11)

Puis, après avoir bu quelques gorgées de ce remède, non un peu seulement comme on le fait d’habitude. Chacun avant même d’être suffisamment restauré on partait de là à ceux qui n’avaient pas quitter la maison, telle était leur crainte que le plus petit retard écoulé depuis l’heure où ils l’avaient recueilli ne vint empêcher le fléau terrible de disparaître. Et en effet, celui qui pouvait en boire la plus large coupe espérait se rendre par là plus digne d’être sauvé. Leurs forces abondamment réparées par ce vin (le château entre tous en récolte une grande quantité et c’était une joie pour chacun de pouvoir en apporter) tous demandent instamment que le Saint Corps soit porté à travers la ville, au milieu des places et des rues, pour que, fuyant devant lui, le fléau empoisonné soit chassé de tous les coins de la cité. (12)

Incontinent, le vent soufflant nullement commença à rassembler les nuées et l’horizon s’obscurcit tout chargé de nuages, puis sur le champ au milieu des légers frémissements que l’air fait entendre lorsque les ondées d’avril commençant à tomber, une pluie bienfaisante se répondit, s’écoulant dans le sein altéré de la terre et chassant ces ardeurs néfastes du soleil qui s’étaient étendues si désastreuses sur le monde. Or, cette contagion de mort qui avait dans ces lieux fait parmi les hommes des ravages si extraordinaires n’osa jamais, chose incroyable, se permettre dans la suite de toucher à aucun habitant. (13)

Il serait difficile d’exprimer leurs transports de joie. Une fois échappés à ces affreux dangers, leur bouche ne cesse de chanter les louanges du Tout Puissant, du Seigneur {Bonnin page : 398} qui par les mérites se son fidèle témoin, a bien voulu les arracher au châtiment d’une mort si prompte. (14)

Non moins rempli de vénération pour l’auteur de notre Règle, leurs chants exaltant jusqu’au ciel ses vertus, lui, qui a mérité d’avoir eu un tel disciple dont les prières unies à celles du père, les a délivrés de la mort présente. Nul ne pourrait évaluer les présents et les dons qui furent faits, chacun se hâtant d’apporter ce qu’il a de plus précieux, de peur qu’un autre ne semble marquer une plus grande dévotion. Pendant trois jours, ils conservent près d’eux l’hôte qui leur a apporté le salut. Ils veulent par là être plus assurés de l’avoir obtenu et éloigner de leur cœur toute crainte de voir revenir le fléau. Enfin le quatrième jour, au milieu des chants et des hymnes dignes de l’excellence du martyr, ils accompagnent sa chasse le plus loin, qu’il leur est possible de la suivre, puis ils lui envoient un dernier adieu et retournant à leurs foyers. (15)

Les religieux regagnant Fleury et là ils racontent à ceux qui y sont restés quelles grandes choses le Tout Puissant a opérées par les vertus de ses serviteurs. Et tous adressant les accents de leur reconnaissance au Créateur de toutes choses, se recommandant avec plus de ferveur aux prières du bienheureux martyr et se son père, » (16)

Du récit émouvant que l’on vient de lire, je ne veux retenir que deux ou trois passages qui prouvent de la manière la plus complète l’erreur de Messieurs La Thaumassière , Raynal de Chavaudret qui veulent trouver le château Gordon à Saint Satur . Ainsi, à l’arrivée des reliques les habitants de Château Gordon se précipitent à leur rencontre. Les chanoines de Saint Satur accourant plein de joie vêtus de leurs vêtements blancs, etc. Saint Satur et Château Gordon étaient donc à cette époque deux lieux bien distincts ? Cela résulte clairement du récit du même bénédictin. Et qu’on veuille bien le remarquer. A cette époque l’abbaye n’était pas entièrement construite. Elle était en construction et donc mon opinion les chanoines ne vinrent pas de leur abbaye qui n’était pas encore habitable, mais bien du prieuré de Saint Père du nom de Sancerre qui leur appartenait, où ils attendaient la fin des travaux et où se trouvaient alors avec eux les reliques de Saint Satur . Du reste le bourg de Saint Satur n’existait pas encore. Il ne se forma comme on le verra ci-après que postérieurement en 1158. C’est pourquoi, nous ne voyons accourir pour vénérer les reliques par les chanoines et non les habitants de Saint Satur . (17)

Une autre prenne bien plus certaine encore se trouve dans les lignes suivantes. Le bienheureux martyr est conduit sur les hauteurs de la forteresse qui, comme le rapportent ceux qui connaissent l’endroit est située sur le sommet d’une colline escarpée. Peut-on réellement après la lecture de ces lignes croire que le Château de Gordon était situé à Saint Satur  ? Non, assurément. Le passage en question désigne de la manière la plus le Château de Sancerre, l’ancien Castrum Gordanium, Et la place où les reliques furent déposées devait {Bonnin page : 399} être la terrasse située au pied de La Tour Saint Hilaire (le Tour Carrée de Gordon) ou si l’on aime mieux la Place du Marché aux Chevaux qui en était voisine. (18)